La CNIL adopte une
recommandation pour encadrer la géolocalisation des véhicules des employés
27/04/2006 - Echos
des séances
La CNIL a adopté, lors de sa séance du 16 mars
dernier, une recommandation relative à la mise en œuvre de dispositifs destinés
à géolocaliser les véhicules automobiles utilisés par les employés d’un
organisme privé ou public. Ce texte, vise à encadrer le développement de ces
dispositifs au regard de la loi informatique et libertés et du code de travail.
Face à l’utilisation de plus en plus fréquente
des systèmes de géolocalisation des véhicules basés sur le traitement
d’informations issues de satellites (GPS) couplées à l’utilisation d’un réseau
de communications électroniques, la CNIL, prenant appui sur les travaux menés
au niveau européen par le groupe dit « de l’article 29 », a adopté le 16 mars
2006 une recommandation, après une concertation menée notamment avec les
partenaires sociaux, les ministères concernés et les acteurs du marché de la
géolocalisation.
Si ces systèmes sont susceptibles d’améliorer
les services rendus, tant par les administrations publiques que par les
entreprises privées, leur usage comme moyen de contrôle de l’activité des
employés peut donner lieu à des dérives qu’il convient de prévenir.
Compte tenu de leur caractère intrusif, leur
mise en œuvre n’est justifiée que pour un nombre limité de finalités :
·
un impératif de sûreté ou de sécurité de l’employé lui-même
ou des marchandises ou véhicules dont il a la charge,
·
une meilleure allocation des moyens pour des prestations à
accomplir en des lieux dispersés,
·
le suivi et la facturation d’une prestation,
·
le suivi du temps de travail, lorsque ce suivi ne peut être
réalisé par d’autres moyens.
L’utilisation d’un système de géolocalisation
n’est pas justifiée lorsqu’un employé dispose d’une liberté dans l’organisation
de ses déplacements.
Le recours à un tel dispositif ne doit pas
conduire à un contrôle permanent de l’employé concerné. En tout état de cause,
le responsable du traitement ne doit pas collecter des données relatives à la
localisation d’un employé en dehors des horaires de travail. Les employés
doivent ainsi avoir la possibilité de désactiver la fonction de géolocalisation
des véhicules à l’issue de leur temps de travail lorsque ces véhicules peuvent
être utilisés à des fins privées.
Quelles sont les principales garanties qui
doivent entourer ces traitements ?
·
interdiction de collecter les données relatives aux éventuels
dépassements de limitation de vitesse,
·
mise en place de mesures de sécurité au sein de l’entreprise afin
que l’accès aux données de géolocalisation soit limité aux seules personnes
qui, dans le cadre de leur fonction, peuvent légitimement en avoir
connaissance,
·
définition d’une durée de conservation adéquate
·
information préalable des employés.
Très prochainement,
une norme destinée à simplifier les formalités préalables des entreprises dont
le traitement de géolocalisation mis en œuvre s’inscrit dans les règles
définies dans la recommandation sera disponible en ligne sur le site de la
CNIL.
Dernière
modification : 03/05/06
Délibération
n°2006-066 du 16 mars 2006
16 Mar 2006 - Thème(s) : Travail, Déplacement
Vu la convention n° 108 du Conseil de l'Europe
du 28 janvier 1981 pour la protection des personnes à l'égard du traitement
automatisé des données à caractère personnel ;
Vu la directive 95/47/CE du Parlement européen
et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes
physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la
libre circulation de ces données ;
Vu la directive 2002/58/CE du Parlement
européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement de données à
caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des
communications électroniques ;
Vu le règlement (CEE) n° 3821/85 modifié du 20
décembre 1985 concernant l’appareil de contrôle installé et utilisé sur les
véhicules affectés aux transports par route de voyageurs ou de marchandises
soumis aux dispositions du règlement (CEE) n° 3820/85 du 20 décembre 1985
relatif à l’harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le
domaine des transports par route ;
Vu les lois n°83-634 du 13 juillet 1983
portant droits et obligations des fonctionnaires, n°84-16 du 11 janvier 1984
portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, n°
84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la
fonction publique territoriale, et n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant
dispositions statutaires à la fonction publique hospitalière ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative
à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi n° 2004-801
du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des
traitements de données à caractère personnel ;
Vu le code des postes et des communications
électroniques ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de la route ;
Vu la loi d’organisation du transport
intérieur n° 82-1153 en date du 30 décembre 1982 ;
Vu le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005
pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à
l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi n° 2004-801
du 6 août 2004 ;
Vu les avis du groupe de travail dit de l’«
article 29 » en date 13 septembre 2001 sur le traitement de données à caractère
personnel dans le contexte professionnel et du 25 novembre 2005 sur
l’utilisation de la donnée de géolocalisation en vue de fournir un service à
valeur ajoutée ;
Après avoir entendu M. Didier Gasse,
commissaire, en son rapport et Mme Pascale Compagnie, commissaire du
Gouvernement, en ses observations ;
La Commission nationale de l'informatique et
des libertés constate le développement de dispositifs dits de géolocalisation
permettant aux employeurs privés ou publics de prendre connaissance de la
position géographique, à un instant donné ou en continu, des employés par la
localisation d’objets dont ils ont l’usage (badge, téléphone mobile) ou des
véhicules qui leur sont confiés.
Les traitements que ces dispositifs permettent
sont fréquemment enrichis de données, telle que la durée d’utilisation du
véhicule, le kilométrage parcouru ou les vitesses de circulation.
La Commission relève plus particulièrement
l’utilisation de plus en plus fréquente des systèmes de géolocalisation des
véhicules basés sur le traitement d’informations issues de satellites (GPS)
couplées à l’utilisation d’un réseau de communications électroniques. Si ces
systèmes sont susceptibles d’améliorer les services rendus, tant par les
administrations publiques que par les entreprises privées, leur usage peut
donner lieu à des dérives qu’il convient de prévenir. A cet égard, la
Commission estime nécessaire d’adopter une recommandation relative à la
géolocalisation des véhicules afin de préciser les conditions dans lesquelles
de tels traitements peuvent être mis en œuvre au regard de la loi
"informatique et libertés".
La mise en place de traitements de
géolocalisation de véhicules peut répondre à différents objectifs :
·
l’amélioration du processus de production, soit directement par
une meilleure allocation des moyens disponibles (par exemple, l’envoi du
véhicule le plus proche pour exercer une activité), soit indirectement en
analysant a posteriori les déplacements effectués (par exemple, l’analyse des
temps nécessaires à des déplacements ou à la réalisation d’une tâche) ;
·
la contribution à la sécurité des personnes ou des marchandises
transportées ;
·
le suivi des marchandises en raison de leur nature particulière
(matières dangereuses, produits alimentaires, etc.) ;
·
le suivi des temps de travail des employés ;
·
le suivi et la constitution des preuves de l’exécution d’une
prestation liée à l’utilisation du véhicule (par exemple, interventions sur le
réseau routier, collecte des ordures ménagères, etc.).
Les traitements de géolocalisation, en ce
qu’ils permettent de localiser l’employé utilisant le véhicule au moment où
s’effectue l’opération de géolocalisation, portent sur des données à caractère
personnel et sont soumis aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 modifiée.
Ces traitements doivent être conformes à
l’article 6 2° de la loi du 6 janvier 1978 modifiée qui pose le principe selon
lequel des données à caractère personnel ne peuvent être collectées que «pour
des finalités déterminées, explicites et légitimes». La Commission rappelle que
le détournement de finalité est sanctionné par l’article 226-21 du code pénal
qui prévoit une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 €
d’amende.
Les dispositifs de géolocalisation doivent, en
outre, répondre aux dispositions de l’article L.120-2 du code du travail aux
termes duquel «Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés
individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par
la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché».
Les autorités européennes de protection des
données à caractère personnel (groupe de travail dit «de l’article 29») ont,
d’une part, rappelé que la surveillance des employés doit être effectuée de la
manière la moins intrusive possible et, d’autre part, précisé les conditions
dans lesquelles un dispositif de géolocalisation des salariés peut être mis en
place au regard des dispositions de la directive du 24 octobre 1995.
Les traitements de géolocalisation soulèvent
la question du niveau de contrôle permanent qu’il est admissible de faire peser
sur un employé, voire, dans certains cas, de la frontière entre travail et vie
privée.
La Commission relève toutefois la spécificité
du transport des personnes ou de marchandises par route dont les conditions d’exécution
sont encadrées par une réglementation spécifique imposant, notamment, aux
employeurs de détenir des informations précises sur l’activité des chauffeurs
par l’intermédiaire de la mise en œuvre de chronotachygraphes. Il convient de
souligner que la présente recommandation ne vise pas à s’appliquer à ces
traitements qui ne constituent pas en tant que tel des dispositifs de
géolocalisation. La mise en place d’un dispositif de géolocalisation peut
compléter les dispositifs de contrôle obligatoires, ce qui, au regard de
l’absence d’autonomie de l’employé dans l’organisation de son travail, ne fait
pas peser de risques manifestes d’atteintes aux droits et libertés des salariés
concernés.
Il existe ainsi une différence de nature entre
la géolocalisation des employés en charge d’une prestation directement liée à
l’utilisation d’un véhicule (transport de personnes ou de marchandises mais
aussi intervention sur le réseau routier, avec des véhicules spécifiques
assurant notamment le déneigement, la collecte des ordures ménagères, etc.) et
celle des employés pour lesquels l’utilisation d’un véhicule n’est qu’un moyen
d’accomplir leur mission.
C’est donc essentiellement dans le second cas
que les garanties que promeut la présente recommandation trouvent à s’appliquer.
La Commission relève que des réglementations
spécifiques prévoient la mise en œuvre de dispositifs permettant la
géolocalisation des véhicules en raison du type de transport (transports
publics, transports de matières dangereuses, etc.) ou de la nature des biens
transportés.
La loi "informatique et libertés"
subordonne la mise en œuvre d’un traitement à l’existence d’une finalité
légitime. C’est pourquoi, compte tenu du caractère intrusif des dispositifs
traitant la donnée de géolocalisation des véhicules et des informations qui
peuvent y être associées, la Commission estime que la mise en œuvre de tels
dispositifs n’est admissible que dans le cadre des finalités suivantes :
·
la sûreté ou la sécurité de l’employé lui-même ou des marchandises
ou véhicules dont il a la charge (travailleurs isolés, transports de fonds et
de valeurs, etc.) ;
·
une meilleure allocation des moyens pour des prestations à
accomplir en des lieux dispersés, (interventions d’urgence, chauffeurs de
taxis, flottes de dépannage, etc.) ;
·
le suivi et la facturation d’une prestation de transport de
personnes ou de marchandises ou d’une prestation de services directement liée à
l’utilisation du véhicule (ramassage scolaire, nettoyage des accotements,
déneigement routier, patrouilles de service sur le réseau routier, etc.);
·
le suivi du temps de travail, lorsque ce suivi ne peut être
réalisé par d’autres moyens.
En revanche, l’utilisation d’un système de
géolocalisation ne saurait être justifiée lorsqu’un employé dispose d’une
liberté dans l’organisation de ses déplacements (visiteurs médicaux, VRP,
etc.).
La Commission rappelle que l’utilisation d’un
dispositif de géolocalisation ne doit pas conduire à un contrôle permanent de
l’employé concerné.
La Commission considère ainsi que le
responsable du traitement ne doit pas collecter des données relatives à la
localisation d’un employé en dehors des horaires de travail de ce dernier.
C’est pourquoi, la Commission recommande que les employés aient la possibilité
de désactiver la fonction de géolocalisation des véhicules à l’issue de leur
temps de travail lorsque ces véhicules peuvent être utilisés à des fins
privées.
Les employés investis d’un mandat électif ou
syndical ne doivent pas être l’objet d’une opération de géolocalisation
lorsqu’ils agissent dans le cadre de l’exercice de leur mandat.
Les données collectées dans le cadre de la
mise en œuvre d’un dispositif de géolocalisation des véhicules doivent être
adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour
lesquelles le traitement est mis en œuvre.
La Commission relève que les systèmes de
géolocalisation visant à renseigner sur la position d’un véhicule peuvent
permettre de collecter un certain nombre d’informations complémentaires dont
celle relative à la vitesse d’un véhicule (kilomètres parcourus, vitesses
moyenne et maximale, voire façon de conduire). Le traitement de la donnée de
géolocalisation est ainsi susceptible de permettre la constatation d’éventuels
dépassements de limitations de vitesse, qui constituent des infractions au Code
de la route.
L’article 9 de la loi du janvier 1978 modifiée
énumère limitativement les catégories de personnes autorisées à mettre en œuvre
des traitements visant à faire apparaître directement des données relatives aux
infractions, au nombre desquels ne figurent pas les employeurs privés ou
publics.
Dès lors, sans faire obstacle aux règles
spécifiques actuelles ou à venir propres aux transports routiers, la Commission
rappelle que les infractions éventuelles ne doivent pas être identifiées et que
seul le traitement de la vitesse moyenne peut être réalisé.
Les données relatives à la localisation d’un
employé ne peuvent être conservées que pour une durée pertinente au regard de
la finalité du traitement qui a justifié cette géolocalisation.
La Commission estime, au regard des finalités
pouvant justifier la mise en œuvre d’un dispositif de géolocalisation, qu’une
durée de conservation de deux mois paraît proportionnée.
Les données de localisation peuvent être
conservées pour une période supérieure à deux mois si une telle conservation
est rendue nécessaire soit dans un objectif d’historique des déplacements à des
fins d’optimisation des tournées, soit à des fins de preuve des interventions
effectuées lorsqu’il n’est pas possible de rapporter la preuve de cette intervention
par un autre moyen. Dans ces cas, une durée de conservation d’un an paraît
proportionnée, cette durée ne faisant pas obstacle à une conservation plus
longue en cas de contestation, dans ce délai d’un an, des prestations
effectuées.
Dans le cadre du suivi du temps de travail,
seules les données relatives aux horaires effectués peuvent être conservés pour
une durée de cinq ans.
L’accès aux données de géolocalisation doit
être limité aux seules personnes qui, dans le cadre de leur fonction, peuvent
légitimement en avoir connaissance au regard de la finalité du dispositif
(telles que les personnes en charge de coordonner, de planifier ou de
suivre les interventions, personnes en charge de la sécurité des biens
transportés ou des personnes ou le responsable des ressources humaines).
Le responsable du traitement doit dès lors
prendre toutes précautions utiles pour préserver la sécurité de ces données et
empêcher, notamment en mettant en place des mesures de contrôle et
d’identification, que des employés non autorisés y aient accès.
Les accès individuels aux données de
géolocalisation doivent s’effectuer par un identifiant et un mot de passe
individuels, régulièrement renouvelés, ou par tout autre moyen
d’authentification.
Le responsable du traitement doit procéder,
conformément aux dispositions du code du travail et à la législation applicable
aux trois fonctions publiques, à l’information et à la consultation des
instances représentatives du personnel avant la mise en œuvre d’un dispositif
de géolocalisation des employés.
Conformément à l’article 32 de la loi du 6
janvier 1978 modifiée en août 2004 et à l’article 34-1 IV. du code des postes
et des communications électroniques, les employés doivent être informés
individuellement, préalablement à la mise en œuvre du traitement :
·
de la finalité ou des finalités poursuivie(s) par le traitement de
géolocalisation ;
·
des catégories de données de localisation traitées ;
·
de la durée de conservation des données de géolocalisation les
concernant ;
·
des destinataires ou catégories de destinataires des données ;
·
de l’existence d’un droit d’accès, de rectification et
d’opposition et de leurs modalités d’exercice ;
·
le cas échéant, des transferts de données à caractère personnel
envisagés à destination d’un Etat non membre de la Communauté européenne.
La Commission rappelle que chaque employé doit
pouvoir avoir accès aux données issues du dispositif de géolocalisation le
concernant en s’adressant au service ou à la personne qui lui aura été
préalablement indiqué.
Un dispositif permettant la géolocalisation
des employés par l’intermédiaire de leur véhicule constitue un traitement
automatisé de données à caractère personnel soumis aux formalités préalables
prévues par la loi.
Lorsque le traitement mis en œuvre répond aux
conditions définies par la norme n° 06-067 du 16 mars 2005, le déclarant peut
bénéficier de la procédure de déclaration simplifiée prévue par la loi.
L’accomplissement de ces formalités doit être effectué par l’employeur ou le responsable de l’organisme qui met en œuvre le système de géolocalisation.